
L'influence du traitement post-récolte du café.
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Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi deux cafés de la même région peuvent offrir des expériences gustatives si différentes ? Le traitement post-récolte des cerises de café est une étape déterminante dans le développement du profil aromatique final. Des réactions biochimiques complexes se produisent lors de cette phase, influençant l'acidité, le corps, la douceur et les arômes du café.
Bienvenue dans l'univers fascinant du traitement du café ! Que vous soyez un passionné de café de spécialité ou simplement curieux d'en apprendre davantage, ce guide complet vous emmènera au cœur des différentes méthodes de traitement et de leur impact sur les saveurs.
Les différentes méthodes de traitement du café
Le traitement du café intervient juste après la récolte des cerises mûres sur le caféier. Cette étape cruciale consiste à extraire les grains verts de la cerise et à les préparer pour le séchage. Ce traitement influence de manière significative les arômes, les saveurs et la qualité générale du café. Un traitement méticuleux et adapté permet de révéler le plein potentiel aromatique des grains, tandis qu'un traitement négligé peut altérer irrémédiablement la qualité du café, même si les cerises étaient initialement parfaites. Chaque méthode de traitement, qu'elle soit nature, lavée ou honey, apporte des caractéristiques distinctes au grain.
Les caféiculteurs choisissent la méthode de traitement en fonction de plusieurs facteurs, notamment le climat de leur pays, les ressources disponibles et le profil de goût recherché. Par exemple, dans les régions où l'eau est abondante comme en Amérique Centrale, la voie humide est souvent privilégiée. À l'inverse, dans les zones plus sèches comme certaines parties d'Éthiopie, la méthode naturelle est plus courante.
Découvrons ensemble les principales méthodes utilisées dans le monde.
Le traitement lavé
Le traitement lavé, ou "washed", est la méthode de traitement la plus répandue dans le monde. Elle consiste à retirer la pulpe de la cerise de café fraîchement récoltée, puis à la faire fermenter dans de l'eau pendant 12 à 48 heures. Cette fermentation permet de décoller complètement la peau et la pulpe du grain. Pendant la fermentation, des enzymes naturelles décomposent le mucilage, facilitant son élimination ultérieure. Une fois la fermentation terminée, les grains sont lavés à grande eau pour enlever tout résidu de mucilage. Ils sont ensuite étalés pour le séchage, soit au soleil sur des patios en ciment, soit sur des lits africains surélevés, jusqu'à atteindre un taux d'humidité optimal d'environ 11%.
Ce procédé produit des cafés généralement équilibrés, avec des notes acidulées et une texture légère. Il est particulièrement adapté aux origines d'Amérique centrale et d'Afrique de l'Est. Le processus de lavage permet en effet d'éliminer les sucres et autres composés présents dans le mucilage qui pourraient influencer le goût du café. Il en résulte une tasse d'une grande clarté, où les caractéristiques propres au terroir et à la variété de café (Arabica ou Robusta) peuvent pleinement s'exprimer.
Le traitement naturel
La méthode naturelle, ou voie sèche, est la plus ancienne et la plus simple des méthodes de traitement du café. Après la récolte, les cerises entières, avec leur peau, leur pulpe et leur mucilage, sont directement étalées au soleil pour le séchage. Les grains restent ainsi en contact avec toute la matière organique pendant le séchage, ce qui leur confère des notes plus intenses, souvent fruitées et sucrées. Pendant cette période, les cerises doivent être régulièrement retournées à la main ou à l'aide de râteaux pour assurer un séchage uniforme et éviter la fermentation ou l'apparition de moisissures. Une fois séchées, les cerises prennent une couleur brun foncé et deviennent cassantes. Elles sont ensuite décortiquées mécaniquement pour enlever la parche (coque) et extraire les grains verts de café.
Les cafés nature se distinguent par leur corps intense, leur douce sucrosité et leurs arômes fruités prononcés. Pendant le long processus de séchage, les sucres et les composés aromatiques présents dans la pulpe et le mucilage de la cerise migrent vers le grain, lui conférant des saveurs complexes et une douceur naturelle. On retrouve souvent dans ces cafés des notes de fruits mûrs, de baies, de chocolat, voire de vin.
Le traitement Honey
Le processus Honey, parfois appelé "pulped natural" dans certains pays, est une méthode hybride qui combine des aspects des voies sèche et humide. Après la récolte et le tri, les cerises de café sont dépulpées comme dans la méthode lavée, mais au lieu d'être envoyées en fermentation, elles sont directement mises à sécher avec une partie du mucilage encore adhérente au grain. La quantité de mucilage laissée sur le grain et la durée de séchage vont déterminer le type de Honey : black, rouge, yellow ou white, du plus au moins foncé.
Le séchage des cafés Honey est une étape délicate qui nécessite une attention constante. Les grains sont étalés en couches plus ou moins épaisses selon le type de Honey visé, et doivent être retournés fréquemment pour assurer un séchage homogène. Le mucilage, riche en sucres, a tendance à coller et à former des amas, d'où le nom de "Honey" (miel en anglais). Pendant le séchage, qui dure généralement entre une et trois semaines, le mucilage va progressivement foncer et imprégner le grain de ses arômes. La méthode Honey est de plus en plus populaire auprès des producteurs de café de spécialité, car elle permet de combiner les avantages des méthodes sèche et humide : la sucrosité et le corps du café nature, avec une acidité plus marquée
Les autres méthodes
Il existe également d'autres méthodes de traitement, comme le traitement semi-lavé, le traitement anaérobie ou encore le traitement carbonic maceration. Chacune de ces techniques vise à moduler les saveurs du café en jouant sur les différentes étapes de la post-récolte.
L'impact du traitement sur les arômes
Chaque méthode de traitement a un impact significatif sur le profil aromatique final du café. Voyons en détail comment les différentes étapes influencent les saveurs. Chaque méthode va en effet développer des caractéristiques gustatives spécifiques, qui viendront s'ajouter aux arômes variétaux et aux notes liées au terroir.
Les cafés lavés, par exemple, sont réputés pour leur acidité vive, leur clarté aromatique et leurs notes florales et d'agrumes. Le processus de fermentation et de lavage permet en effet d'éliminer les composés extérieurs au grain (comme les sucres du mucilage) qui pourraient masquer les arômes propres du café. Il en résulte une tasse "propre", où l'expression du terroir est mise en avant.
À l'opposé, les cafés nature se caractérisent par un corps intense, une sucrosité marquée et des arômes puissants de fruits mûrs, de chocolat, voire de vin
L'importance du terroir
Bien sûr, le terroir d'origine du café a également une influence majeure sur son profil aromatique final. Les conditions pédoclimatiques (l'ensemble des conditions de température, d'humidité et d'aération régnant dans les horizons d'un sol.), l'altitude, les variétés cultivées, etc. vont tous contribuer à façonner l'identité unique de chaque café.
C'est pourquoi il est si passionnant de découvrir les subtiles différences entre un café lavé d'Éthiopie et un café naturel du Brésil, par exemple.
Facteurs influençant le choix du traitement
Le choix de la méthode de traitement dépend de plusieurs facteurs :
- Le climat : La voie sèche, par exemple, nécessite un climat sec et ensoleillé pour un séchage optimal.
- Les ressources disponibles : La voie humide requiert d'importantes quantités d'eau.
- La tradition et le savoir-faire local : Certaines régions ont développé une expertise dans une méthode particulière.
- Le profil de tasse recherché : Selon les arômes et caractéristiques que l'on souhaite mettre en avant.
- La demande du marché : Certains acheteurs ou torréfacteurs peuvent privilégier un type de traitement.
Le caféiculteur doit prendre en compte tous ces éléments pour choisir la méthode la plus adaptée à sa situation et à son café. De plus en plus, la question environnementale et la gestion des ressources en eau deviennent des critères importants.
Innovations et tendances dans le traitement du café
Nouvelles techniques de fermentation
Le monde du café est en constante évolution, et les méthodes de traitement ne font pas exception. Ces dernières années, on a vu émerger de nouvelles techniques de fermentation, inspirées notamment de l'univers du vin et de la bière. L'une des plus en vogue est la fermentation anaérobie, qui consiste à placer les grains de café (dépulpés ou en cerises entières) dans des cuves hermétiques privées d'oxygène pendant la phase de fermentation. Cette technique permet de développer des profils de tasse inédits, avec des arômes intenses et complexes, souvent fruités et vineux.
Certains producteurs expérimentent également avec des fermentations contrôlées, en ajoutant par exemple des levures ou des bactéries spécifiques pour orienter le profil aromatique du café. D'autres encore explorent des méthodes de fermentation "à sec", sans eau, ou avec des macérations carboniques, comme dans le Beaujolais. Toutes ces innovations visent à repousser les limites de la palette aromatique du café, en créant des profils uniques et surprenants. Elles témoignent de la créativité et du dynamisme qui animent aujourd'hui le monde du café de spécialité, de la fève à la tasse.
Développement durable et traitement post-récolte du café
Face aux enjeux environnementaux et à la raréfaction des ressources, notamment en eau, le secteur du café cherche à rendre les méthodes de traitement plus durables et plus efficientes. Dans les pays producteurs, on voit ainsi se multiplier les initiatives pour réduire la consommation d'eau dans la voie humide, par exemple en recyclant les eaux de lavage ou en utilisant des machines de dépulpage plus économes. Le séchage du café fait lui aussi l'objet d'innovations, avec le développement de séchoirs solaires plus performants, permettant de réduire la durée de séchage et les risques liés aux aléas climatiques.
Au-delà de l'aspect purement technique, c'est toute la chaîne de valeur du café qui est repensée, avec une attention croissante portée aux sous-produits du traitement. La pulpe de café, par exemple, est de plus en plus valorisée, soit comme compost pour fertiliser les plantations, soit comme source d'énergie (biogaz). La parche, cette fine pellicule qui entoure le grain après le séchage, peut elle aussi être utilisée comme combustible. Ces démarches s'inscrivent dans une logique d'économie circulaire, où chaque élément du processus de traitement est optimisé et valorisé. Elles contribuent à rendre la production de café plus durable et plus résiliente face aux défis de demain.
Le traitement du café est un univers fascinant, où tradition et innovation se conjuguent pour révéler toute la richesse et la complexité de ce produit d'exception. De la méthode lavée, qui met en avant la pureté des arômes, à la voie naturelle, qui exalte la sucrosité et le corps, en passant par les process hybrides comme le Honey ou le Pulped Natural, chaque technique apporte sa signature unique au profil de tasse. Au-delà de ces grands classiques, les producteurs explorent sans cesse de nouvelles voies, notamment en matière de fermentation, pour créer des cafés aux arômes inédits et repousser les limites de l'expérience gustative.
Parallèlement, la filière s'engage vers des pratiques plus durables et efficientes, avec une gestion optimisée des ressources et une valorisation des sous-produits du traitement. Autant d'évolutions passionnantes qui dessinent le futur du café de spécialité, pour les professionnels comme pour les amateurs éclairés. Nul doute que les prochaines années nous réservent encore de belles découvertes et de savoureuses surprises, à mesure que les acteurs du café, du caféiculteur au torréfacteur, continueront d'innover et de sublimer ce produit fascinant.